Changer le climat avant que le climat ne nous change

Nous formons un duo inattendu pour monter aux barricades pour le climat. Pourtant ce que nous faisons aujourd'hui, à la veille de la première grande marche pour le climat, nous le faisons depuis longtemps.

L’un est président de la plus grande mutualité du pays, la Mutualité chrétienne-Christelijk Mutualiteit l’autre est président du ‘Bond Beter Leefmilieu’, directeur du ‘Regionaal Landschap Kempen en Maasland’, cofondateur de ‘L’affaire Climat’ et membre du ‘Climate Leadership Corps’ d’Al Gore. Nos journées de travail ne se ressemblent peut-être pas, mais chaque jour, du matin au soir, nous avons les mêmes préoccupations : les pénuries et les soins.

En tant que Mutuelle et Organisme Assureur, nous le constatons tous les jours de différentes manières. Les gens sont « à bout » et abandonnent le travail en masse. Ils font partie du demi-million de malades de longue durée que compte notre pays. Ce chiffre augmente d’année en année. En l’espace de 10 ans, le nombre de personnes en incapacité de travail a augmenté de 67 %. Le bien-être mental n’a pas de meilleurs résultats. Pas moins de 40 % des jeunes indiquent qu’ils ont besoin d’une aide psychologique. De plus, le nombre de places dans les soins de santé est également limité. Il y a trop peu de lits dans les maisons de repos et de soins, trop peu de places pour les jeunes ayant des problèmes de santé mentale, trop peu de places pour la garde d’enfants. Et si nous parvenons à créer ces places supplémentaires, il s’avère que nous ne pouvons pas trouver les professionnels de la santé pour aider toutes ces personnes. Les soins infirmiers sont un goulot d’étranglement et il semble y avoir peu d’améliorations à espérer, tout comme pour la garde d’enfants. Pendant ce temps, le nombre de personnes qui ont du mal à joindre les deux bouts augmente. Parallèlement, nous voyons un certain nombre de médecins se demander si tous ceux qui paient actuellement un tarif moins élevé pour les soins de santé en raison de leur situation précaire en ont vraiment besoin. La solidarité semble être une notion en bout de course. Nous traversons une crise existentielle préoccupante.

En ce qui concerne le climat la situation n’est pas meilleure. Malgré tous les engagements pris dans le cadre de l'accord de Paris sur le climat, les émissions mondiales de CO2 ont augmenté de 1,2 %. Les émissions ont également augmenté à nouveau en Belgique. Et c'est une mauvaise nouvelle. Notre planète se réchauffe beaucoup plus vite que prévu. Nous sortons de notre zone de confort. De plus en plus de vagues de chaleur et d’inondations sévères se succèdent rapidement, avec son lot de souffrances insupportables et, souvent, des morts, y compris dans notre pays. Et cela ne s’arrête pas là, car la nature, la faune et la flore sont aussi durement impactés. Un million d’espèces sont menacées d’extinction d’ici la fin du siècle. Sans nous en rendre compte, nous avons presque épuisé nos matières premières, empoisonné et dépouillé notre environnement à un point tel que notre eau potable et notre approvisionnement alimentaire sont sous pression. Même les humains en tant qu'espèce sont sous pression. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, ne s'en cache pas : il s'agit d'un « code rouge pour l'humanité ». Pourtant, la gravité de la situation ne semble toujours pas s'imposer.

L'impact du changement climatique et de la perte de biodiversité sur notre santé est indéniable. Selon l'Agence européenne pour l'environnement, la pollution par les particules fines a causé environ 6 500 décès prématurés en Belgique en 2019. La canicule a fait quelque 62 000 morts en Europe en 2022. ​ Le déclin de la biodiversité rend difficile l'accès à des aliments sains, car de nombreuses plantes dépendent de pollinisateurs disparus tels que les abeilles. En abattant les forêts au profit de la culture agro-alimentaire, nous perdons non seulement la capacité naturelle de stocker les gaz à effet de serre, mais nous augmentons également le risque de maladies infectieuses.

Par ailleurs, ce ne sont pas les plus nantis qui souffrent le plus. Des études menées par la MC ont montré à maintes reprises que les inégalités en matière de santé reflètent l'inégalité sociale. Les effets du changement climatique sont inégalement répartis. Les personnes qui y contribuent le moins sont souvent celles qui en souffrent le plus. Les personnes socialement vulnérables sont plus susceptibles de vivre là où les effets du changement climatique se font le plus sentir : dans les pays du tiers monde touchés par la sécheresse et les inondations, mais aussi dans les quartiers densément peuplés et fortement pollués de nos grandes villes. Ne pas intervenir dans la transition climatique n'est pas seulement imprudent, c'est aussi antisocial et économiquement inconséquent. Cela démontre également une vision trop étroite de l’avenir : agir de manière irréfléchie revient à hypothéquer la qualité de vie des générations futures.

Parce que nous ne devons pas détruire ce qui nous maintient en vie, il est temps d’opérer un changement durable qui n’exclut personne. Et même si nous, en tant qu’humanité, avons l’ingéniosité, la créativité, l’innovation et les connaissances technologiques nécessaires pour trouver des solutions, le temps nous est compté. Attendre plus longtemps conduira à une catastrophe écologique et humaine. Cette décennie est la décennie décisive. Chaque être humain, chaque espèce et chaque dixième de degré compte. Et tout comme les procès liés à l’amiante ont obligé les gouvernements à interdire l’amiante, l’Affaire Climat veut obliger les gouvernements à atteindre leurs objectifs climatiques, à interdire les combustibles fossiles et à arrêter le réchauffement climatique à temps.

Il y a aussi beaucoup de travail à faire en matière de politiques dans le domaine des soins de santé. Les soins de santé doivent devenir beaucoup plus l’affaire de tous les ministres, afin de faire face aux conséquences des changements climatiques. Vous n’avez pas seulement besoin du ministre de la Santé et du ministre des Affaires sociales pour réussir, mais vous devez également travailler avec les ministres du logement, de l’aménagement du territoire et de la mobilité.

Le climat est l'un des six fers de lance du mémorandum de la MC pour les prochaines élections. « En Flandre, nous allons peut-être perdre des membres avec ça, avec cette bêtise climatique », entendons-nous parfois. C'est peut-être le cas. Mais si nous ne faisons rien maintenant pour arrêter le changement climatique, nous perdrons vraiment des membres définitivement Historiquement, nous sommes un Organisme Assureur et un mouvement social ​ avec un grand nombre de membres âgés. Ils seront les premiers à ressentir l’impact du changement climatique, car les canicules ont un impact majeur sur la population âgée. C’est aussi pour cela que nous nous mobilisons aujourd’hui.

Les activistes pour le climat sont en fait des « activistes pour l’humanité ». Lorsque nous traitons la planète de manière bienveillante, nous prenons également soin de ses habitants. La modération ne conduira pas à une vie faite de sacrifices, mais plutôt à une vie plus riche, qui nous fera réfléchir sur la valeur des choses et sur le soin que nous prenons les uns des autres et les uns pour les autres.

Cette carte blanche a été publiée dans Het Belang van Limburg.