Les femmes atteintes d’endométriose ne sont pas écoutées
Une nouvelle étude de la MC montre que le trajet de soins des femmes atteintes d’endométriose est long, complexe et coûteux. Parce que nous ne les écoutons pas assez, leur douleur et leur maladie sont minimisées.
- De nombreuses années s’écoulent entre les premiers symptômes et le début d’un traitement adéquat.
- Certaines patientes atteintes d’endométriose consultent plus de 12 gynécologues différents en l’espace de trois ans.
- Le coût à charge des patientes est en moyenne de 641 euros par an. Dans le pire des cas (pour 5 % des personnes hospitalisées ou en incapacité de travail à cause de l’endométriose), le coût dépasse même 4.695 euros.
Bruxelles, le 2 octobre 2024 - Les patientes atteintes d’endométriose doivent souvent parcourir un long chemin pour obtenir un diagnostic et des soins appropriés. Une étude à grande échelle menée par la MC montre que la maladie et le parcours semé d’embûches qui y est associé ont un impact sur la santé et le budget des femmes. Les femmes en situation socio-économique précaire ont également un moindre accès aux soins pour l’endométriose, selon l’étude. C’est inquiétant, sachant qu’une femme sur dix est touchée par la maladie.
« Il est considéré comme normal que les femmes ressentent des douleurs lorsqu’elles ont leurs règles. Une jeune fille qui a ses règles pour la première fois reçoit immédiatement le message que la douleur est inhérente aux règles. Les premiers signes d’endométriose sont trop souvent ignorés », déclare Elise Derroitte, vice-présidente de la MC. « Cela ne devrait pas être le cas. »
Le service d’étude de la MC a examiné pour la première fois les soins prodigués aux patientes atteintes d’endométriose en Belgique, du point de vue des patientes. La conclusion n’est pas très réjouissante : les femmes atteintes d’endométriose mettent trop de temps avant de recevoir des soins appropriés, leur état de santé se détériore en conséquence, elles doivent recourir davantage aux soins et supporter elles-mêmes des coûts importants. Par ailleurs, les mécanismes de protection financière font défaut. Et ce alors que 10 % des femmes en âge de procréer sont touchées1.
À la recherche des soins adéquats
« Nous constatons que les patientes atteintes d’endométriose doivent expliquer leurs symptômes à de nombreux prestataires avant d’obtenir l’écoute recherchée et des soins appropriés », explique Elise Derroitte.
En 2022, 75% des femmes atteintes d’endométriose se sont rendues chez le gynécologue, avec en moyenne quatre consultations par patiente. En comparaison, seulement 40% des femmes de la population générale s’y sont rendues, avec une moyenne de deux consultations.
Les femmes dont l’endométriose a été confirmée en 2022 ont rencontré en moyenne cinq gynécologues différents sur une période de trois ans. 5 % d’entre elles ont même rencontré 12 gynécologues ou plus, alors que la majorité des autres femmes consultent toujours le même gynécologue. « Cela nous amène à penser que les diagnostics ne sont pas posés assez rapidement et que les symptômes des patientes ne sont pris au sérieux qu’après un épuisant parcours impliquant de nombreux prestataires », poursuit Elise Derroitte.
De plus, nous constatons que les femmes atteintes d’endométriose font également appel à d’autres spécialistes tels que des anesthésistes, des chirurgiens, des gastro-entérologues, des urologues, ainsi qu’à des infirmières, des kinésithérapeutes, des psychologues, etc. Des sages-femmes et des sexologues peuvent également être impliqués dans leur trajet de soins. « L’endométriose n’est pas une maladie qui peut être soignée par un seul type de médecin, mais qui nécessite la collaboration d’un large groupe de professionnels de la santé. Les cliniques multidisciplinaires de l’endométriose sont indispensables pour une bonne prise en charge. », précise Elise Derroitte
La consommation de médicaments par les femmes atteintes d’endométriose est également préoccupante. 34 % des femmes atteintes d’endométriose ont consommé des opioïdes (une forme d’analgésique puissante et addictive) en 2022. C’est presque 2,5 fois plus que chez les autres femmes. L’utilisation d’anti-inflammatoires et d’autres analgésiques est également nettement plus élevée.
Plus souvent sans enfant
La littérature démontre que les femmes atteintes d’endométriose sont plus rapidement diagnostiquées lorsqu’elles ne parviennent pas à avoir d’enfant en raison de problèmes de fertilité. Lorsque le symptôme principal est la douleur, en revanche, le délai pour obtenir un diagnostic est plus long. « Les problèmes de fertilité sont perçus socialement comme un « problème » qui doit être traité. Ce n’est pas le cas des douleurs menstruelles chez les femmes, qui sont normalisées », pointe Elise Derroitte.
L’étude démontre également qu’il existe un lien entre le fait de souffrir d’endométriose et la composition familiale. 71 % des femmes atteintes d’endométriose n’ont pas d’enfant, contre 66 % des femmes en général. De plus, seules 13 % des femmes atteintes d’endométriose ont deux enfants ou plus, contre 20 % dans le groupe des femmes en général.
Les femmes atteintes d’endométriose sont aussi logiquement plus susceptibles de recourir à la procréation médicalement assistée. 19 % d’entre elles ont eu recours à l’insémination artificielle ou à la fécondation in vitro entre 2017 et 2023, contre 3 % des autres femmes.
Une maladie coûteuse
Les femmes souffrant d’endométriose prennent en charge en moyenne 641 euros par an de frais de soins de santé, contre 267 euros par an pour les autres femmes. Pour les femmes chez qui l’endométriose est confirmée en 2022, il s’agit d’une moyenne de 1.495 euros cette année-là. Pour 5 % d’entre elles, les coûts dépassent même 4.695 euros.
En outre, nous constatons que les femmes atteintes d’endométriose ont des suppléments trois fois plus élevés, ce qui peut être lié au fait que plus de la moitié des gynécologues actifs sont non conventionnés.
Il n’existe actuellement aucun traitement qui permette de guérir définitivement l’endométriose, ce qui signifie que l’endométriose est une maladie chronique. De nombreux coûts, liés aux médicaments, aux hospitalisations et aux soins gynécologiques, sont donc récurrents.
L’endométriose a également un impact sur le fonctionnement professionnel des patientes. 25 % des femmes atteintes d’endométriose ont été en incapacité de travail au moins un jour en 2022, contre 12 % des autres femmes.
Inégalité d’accès aux soins
Enfin, les femmes vivant dans des conditions économiques précaires sont sous représentées dans l’échantillon de patientes. « On pourrait en conclure à tort que l'endométriose est plus fréquente chez un certain type socio-économique de femmes. Les femmes atteintes d’endométriose ayant accès aux soins sont généralement un peu plus âgées, perçoivent moins souvent l’intervention majorée, appartiennent davantage à la « population active » et ont un partenaire stable. Mais ce n’est pas parce que l’endométriose est plus fréquente chez ce type de femmes. C’est le cas parce que les femmes qui ont davantage de difficultés sociales et financières rencontrent plus d’obstacles dans la prise en charge de l’endométriose, que ce soit sur le plan financier ou celui de la recherche pour obtenir les soins adéquats. Nous pensons donc que les femmes défavorisées sur le plan socio-économique ont beaucoup moins accès aux soins pour l’endométriose. Cela nous inquiète, » déclare Elise Derroitte.
Comment s’est déroulée l’étude ?
L’étude a été menée comme suit : la MC a recherché dans les données de ses membres âgées de 12 à 50 ans (les membres MC représentent 40 % de la population belge) des données indiquant quelles femmes ont été hospitalisées ou en d’incapacité de travail en raison de l’endométriose. Ont également été ajoutées à ce groupe les femmes ayant subi une IRM pelvienne prescrite par un gynécologue spécialisé dans l’endométriose, et chez lesquelles de l’endométriose est donc suspectée. Au total, nous avons détecté 4.175 femmes atteintes d’endométriose (confirmée ou suspectée). Les données de ce groupe de femmes ont été comparées à celles d’un groupe de contrôle de femmes présentant les mêmes caractéristiques socio-économiques et démographiques (208.750 femmes).
Qu’est-ce que l’endométriose ?
L’endométriose est une maladie chronique caractérisée par la présence de tissus semblables à l’endomètre en dehors de l’utérus. L’endométriose provoque des symptômes tels que des douleurs pendant les règles, ainsi que pendant et après les rapports sexuels, des douleurs pelviennes chroniques et la stérilité, ainsi que des douleurs dorsales et des troubles urinaires ou intestinaux.
L’étude complète : Noirhomme, C. (2024). Les trajets de soins de l’endométriose : un parcours de combattantes. Recours, coûts des soins et situation de femmes atteintes d’endométriose en Belgique. Santé & Société, 11, 4-41.
les trajets de soins de l endometriose.pdf
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